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Sabine Devieilhe : Vous êtes une jeune musicienne, vous êtes soprano et un petit truc vous dit que vous aimeriez bien faire du théâtre ? Alors travaillez votre voix ! Apprenez à placer votre voix pour avoir les harmoniques nécessaires pour couvrir un orchestre sans vous fatiguer, pour pouvoir interpréter un répertoire merveilleux. Ne perdez pas espoir, travaillez!

    France Musique : quand avez-vous découvert votre voix de soprano colorature ?

Sabine Devieilhe : Je pense qu'en général, les chanteuses ont cette accroche très aiguë de la tessiture de soprano colorature dès la naissance. Donc j'ai su que ma voix était aiguë très, très tôt. Après avoir fait des études de violoncelle, j'ai aussi enseigné le violoncelle. Mais il manquait peut-être une dimension théâtrale à ce que je faisais. Par la suite, j'ai pris des cours assez naturellement et je me suis retrouvée chanteuse lyrique.

    France Musique : La voix, comment ça marche ?

Sabine Devieilhe : La voix a un fonctionnement assez simple : on gonfle les poumons et l'air qui s'en échappe fait entrer en vibration les deux cordes vocales. Plus elles vibrent rapidement, plus le son produit est aigu. Ensuite, le son est ensuite amplifié par les résonateurs (globalement, la tête) et termine son chemin dans la bouche, dans laquelle se forme le texte grâce à la langue. Mon ORL a tendance à me dire que mes cordes vocales sont très fines et nacrées, ce qui me permet de produire des sons particulièrement aigus.

    France Musique : Qu'est-ce que cela veut dire, « colorature » ?

Sabine Devieilhe : Cela signifie « agile », qui peut chanter rapidement une multitude de petites choses légères. On peut assimiler la voix de soprano colorature à celle d'une flûte jouant de façon aérienne.

     France Musique : Est-ce que c'est facile d'apprendre à chanter ?

Sabine Devieilhe : Je vous dirais d'abord : oui ! Dans un premier temps et sauf exception, tout le monde a une voix et le plaisir du chant est très facile à attendre. Dans un second temps, si votre objectif est de devenir une professionnelle de qui les gens attendent une performance qui se résume à deux petites cordes vocales qui vibrent alors non, ce n'est pas facile. Mon but est de travailler en respectant ma voix, mon instrument, pour préserver sa finesse tout en favorisant la projection du son pour pouvoir chanter dans les grandes salles.

     France Musique : Y-a-t-il un cliché sur les soprano colorature ?

Sabine Devieilhe : Oui, celui de venir un automate capable de chanter très aigu et de façon parfaite, mais dénuée d'émotions. On retrouve cet image mécanique dans certaines mises en scène du rôle d'Olympia, dans l'Air de la poupée des Contes d'Hoffmann de Jacques Offenbach

     France Musique : Quel répertoire en particulier est associé à la tessiture de soprano colorature ?

Sabine Devieilhe : On pense assez rapidement au répertoire français. Et le rôle auquel je pense tout de suite est celui de Lakmé, dans l'opéra de Léo Delibes, que j'ai adoré interpréter. On entre en scène comme très jeune fille vivant recluse avec son père dans la prière et on sort de scène en mourant ! Pour une voix aussi légère que celle de la soprano colorature, un rôle avec autant de dimensions théâtrales et de profondeur est très rare. C'est un rôle que j'adore tout particulièrement.

    France Musique : Comment bien préparer ses œuvres ?

Sabine Devieilhe : J'ai l'habitude de partir du texte. J'ai la sensation que le formant des voyelles de chacune des langues définit la place et la couleur vocale du phrasé. Par exemple, je ne chante pas la mélodie française et La Reine de la nuit de la même manière. Mon conseil : profitez du temps des études qui peut paraître long pour apprendre les langues. Ce travail de longue haleine est très important pour être intelligible et pertinent dans une langue.

    France Musique : Avez-vous une anecdote à nous raconter ?

Sabine Devieilhe : La première fois que j'ai chanté La Reine de la nuit à l'Opéra Bastille justement. Je ne me sentais pas prête, alors qu'au final je l'étais. Quand vous êtes dans la salle, il y a tout un corps de métier que vous ne connaissez peut-être pas, je pense à mon habilleuse, Sarah. Ce jour-là, je devais entrer côté jardin, chanter un air, puis aller effectuer un changement de chaussures côté cours. Elle m'a conduite sur scène en me faisant me focaliser sur cette paire de chaussures : « ne pense qu'à tes chaussures, ne penses qu'à tes chaussures ». Je suis entré en scène, j'ai eu très, très peur mais dans ma tête, je me disais : « mes chaussures m'attendent, mes chaussures m'attendent, Sarah m'attend ».

    France Musique : Le chant lyrique, qu'est-ce que ça vous apporte au quotidien ?

Sabine Devieilhe : J'entendais Adèle Charvet dire qu'aussi loin qu'elle s'en souvienne, elle avait toujours chanté : même chose pour moi. Petite, je chantais et aujourd'hui il m'arrive de fredonner, même en dehors des concerts, pour moi, pour mes enfants, etc. Finalement, tout le travail de ma technique (que j'apprécie aussi) me permet de me sentir libre une fois sur scène.

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